INTERVIEW – JAMILA WOODS

INTERVIEW – JAMILA WOODS

Lorsque Nina Simone a appris l’existence de l’attentat à la bombe contre une église à Birmingham, en Alabama, qui a tué quatre petites filles, sa réaction immédiate a été de tenter de fabriquer une arme à feu dans son garage pour se venger. Une fois la colère dissipée, elle se retira dans son domicile à Mount Vernon – New York, et écrivit «Mississippi Goddam». Pendant sept ans, le mouvement des droits civiques guida son art , et elle est devenue une voix inébranlable pour les peuples opprimés de couleur partout. Avec LEGACY! LEGACY !, Jamila Woods prend avec impatience les rênes de pionniers comme Simone. HEAVN, son premier album en 2016, était un jeu d’enfant, transposant le jeu applaudissant «Miss Mary Mack» pour des paroles crues sur la brutalité policière de «VRY BLK», par exemple. Ces noyaux ont maintenant mûri pour son deuxième album, un album plus riche et complet à tous égards. Evocateur de l’album emblématique de Mos Def, Black on Both Sides, LEGACY! LEGACY! marie un commentaire politique incisif à une profonde introspection. Le résultat est un album plein de jeux de mots, de colère et d’humour ironique. Jamila Woods nous rend une jeune artiste et femme effrontée, parfaitement consciente des réactions négatives qu’elle pourrait subir pour sa transparence.

Sous les néons de son hôtel , nous avons discuté de son album, de santé mentale et de ses influences, en voici un bref résumé…

Vous êtes très fière de votre ville : Chicago ? Comment vous a-t-elle forgée ?

Je pense que c’est parce que Chicago m’a aidé à définir mon son, ma voix. Surtout, les artistes noirs qui y ont grandi et ont retranscris leurs expériences directes de la rue et ce qui s’y passait vraiment. Ils m’ont donné la permission et l’envie d’écrire à propos de mes propres expériences principalement parce que je ne pensais pas que les gens auraient eu l’envie de les écouter ou de les lire. Je pense aux travaux de Richard Wright ou Gwendoline Brooks qui m’ont donné la force de raconter mon histoire

Quelles ont été vos influences musicales ou philosophiques, qui vous ont amenées jusqu’ici ?

Je dirais les artistes qui apportent beaucoup de profondeur et d’intensité à leur travail. Du contraste entre le son et les paroles. Je pense à “Waterfall” de T.L.C qui est une chanson triste de base et à l’album “Conversation Peace” de Steevie Wonder qui est un album avec des musiques qui rentrent dans la tête. J’ai vraiment été inspirée par les musiques qui ont des “propriétés de guérison” et une âme gospel.

Quelles étaient les musiques que vous écoutiez chez vous ? Etaient-elles votre choix ou celui de vos parents ?

Au début c’état la musique de mes parents bien sur, toujours leur favoris qui sont ensuite devenus mes favoris, comme à peu près toute la discographie de Witney Houston qu’ils m’ont faite découvir puis après je me suis émanciper et j’ai commencer à écouter différents aristes comme Alanis Moricette et Céline Dion toute deux des artistes féminines très puissantes.

 

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Quand vous écrivez, pensez-vous à votre audience ou ne pensez-vous qu’a vous-même ?

C’est une question très interessante (rires.) Je dirais qu’au début j’écris rien que pour moi pour être connectée avec moi-même mais ensuite je m’assure d’envoyer de l’inspiration aux gens, que ce que je raconte à de l’intérêt.

Quand vous dites “ne rien regretter”, avez-vous un exemple ou parlez vous de votre musique en général ?

Ce terme à été introduit et je l’ai redécouvert par le mouvement BYP “Black Youth Project 100” de Chicago qui portaient des t-shirt avec comme slogan “Unapologetic Black” (Noir et Fier). Ce terme reintroduit  par la suite mouvement “Black Lives Matter” et nous montre que nous ne devons pas avoir peur et honte de ce que nous sommes. “Unapologetic” est un mot fort pour moi parce que il me permet de retrospectivement ne pas avoir peur de l’échec, je n’ai pas peur et je ne m’excuserais pas d’être moi-même. Ce terme englobe toute la partie de mon art qui me permet d’accepter mes erreur et de toujours être responsable devant tout ce que je crée, d’être plus libre de mes actes parce que je n’en ai pas honte.

Si vous deviez retourner dans le temps, changeriez-vous des paroles que vous avez écrites ?

Changer quoique ce soit ? Probablement pas. Parfois je relie des anciens textes et je me dit “comme c’était mignon” mais non je ne changerais rien parce que la personne que j’étais à façonnée celle que je suis aujourd’hui et je respecte à 100% le parcours effectué.

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En tant qu’artiste noire, sentez vous une pression de parler de certains sujets ? Pensez vous qu cette dernière est justifiée ?

Non, je ne sens pas cette pression mais les sujets viennent naturellement dans ma musique car cela fait partit de ma vie. Parfois les faits sont devant mou et je me dois d’en parler mais je parle d’émotions après ce que je vis. Je ne peux pas parler de chaque personne noire mais je prend ça comme un challenge je n’en ai pas peur.

Parlons un peu “LECACY!LEGACY”

Je pense que cet album est sans aucun doute une revalorisation de l’histoire des Noirs et de ces légendes passées et présentes. Le problème que nous avons selon moi est que les Noirs n’ont jamais eu accès à leur Histoire, et j’espère qu’avec cet album ils vont être encouragés à rechercher les noms des personnes qu’ils entendent mais qu’ils ne connaissent pas. C’est aussi grâce aux discussions que j’ai pu avoir avec les gens que j’ai pu apprendre beaucoup sur les personnes dont mes paroles sont tirées telles que Frida Khalo et Eartha.

On retrouve beaucoup de themes comme le traumatisme, les souvenirs et la force dans votre dernier album. Pourquoi pensiez vous ces thèmes importants et pourquoi pensez vous que ce sont des messages à transmettre ?

Cet album est très personnel, la plupart de mes textes sont tirés de mes propres expériences, de ma vie personnelle. J’espère donner la forces aux gens à travers ma musique de se recentrer sur ce qui est important et leur prouver qu’ils peuvent y arriver sans l’aide de personnes malgré des hauts et des bas. Le thème du souvenir est aussi très présents car il met l’accent sur le passé, qui généralement nous forge.

Pouvons nous dire que le sujet de vos textes dicte la mélodie ?

Parfaitement. Et c’est très intentionnel car ça met l’accent sur la personne et ce qu’elle représente.

Dans “Zora”, vous dites “Mon arsenal est mon énergie” un remède contre le fait de vous sentir juger au premier abord. Vous sentez-vous catégorisée ? A travers les différentes étapes de votre vie, comment avez vous su garder votre santé mentale ?

Bien sur que je me sentais catégorisée, particulièrement parce que j’ai toujours évolué petite dans un environnement jugé blanc jusqu’à l’Université. J’étais stéréotypée comme la noire qui “parle blanc” qui n’était pas assez noire. Cet état d’esprit autour de moi m’a permis de m’en inspirer. JE SUIS LA PROPRIETAIRE DE MON IDENTITE et personne ne peut me connaître aussi bien que moi-même.

Mais je ne suis plus dans cet état d’esprit “blanc”, ayant grandit dans cet environnement, c’est ma maman qui m’a tout appris, elle m’a fait faire des exercices pour garder mon esprit sain, loin de la pollution extérieure qui pourrait me perturber. Savoir qu’être Noire était considéré comme pas mal vu mais bizarre, elle me faisait m’imaginer entourée de lumière blanche, une sorte d’aura me protegeant contre les mauvaises ondes.

 

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Avez-vous une histoire particulière derrière votre album ? Si oui, pourriez-vous nous la raconter ?

L’histoire qui m’a le plus marquée et qui touche tout le monde est celle d’Eartha Kitt qui dans une interview parlait de ne pas vouloir une relation dans laquelle elle devrait faire concessions et des compromis. Cette situation tout le monde s’y retrouve et surtout je m’y suis retrouvé et ça m’a permis de trouver ma valeur, que s’entendre dire qu’on demande trop était inacceptable.

Quand on écoute votre album, plusieurs mots résonnent comme la noirceur, l’abandon de soi, le témoin. Qu’est-ce qu’ils representent pour vous ?

La noirceur représente principalement pour moi mon identité, la joie, le fait de voir ce mot d’une manière glorieuse et d’en faire l’apologie comme elle n’a pas su l’être ces dernières années.

Le témoin est aussi un thème très présent car je pense que les artistes sont les témoins de leur temps. Ils racontent l’histoire comme ils la ressente et tout ça avec des yeux neutre. Le témoignage donné à du pouvoir que je ne pourrait exprimer.

L’abandon de soi me vient de la phase de Tony Morrrison “If you surrender to the air you can ride it” qui signifie pour moi que se forcer ne sert à rien. Cette phrase résonne en moi à chaque fois que j’écris mes textes car elle me donne la patience nécessaire pour arriver à mes fins. Je n’ai pas le contôle sur tous les aspects de ma vie.

 

Que voulez-vous que les gens se sentent à la fin de vos albums ? Que voulez-vous laisser en guise de souvenir ?

J’aimerais que les gens après l’écoute de mon album soit comme moi, inspirés par les grands personnages de notre Histoire. Qui, dès qu’ils entendent une référence qu’ils ne connaissent pas aient l’envie de faire des recherches. J’aimerais qu’ils fassent une liste des personnes qui les ont inspirés et qui ont fait d’eux les personnes qu’ils sont aujourd’hui, l’impact qu’ils ont eu sur leur vie. Le fait de les nommer et dire que nous sommes arrivés là ou nous sommes aujourd’hui ne fera que nous rendre plus forts et non pas plus faibles.

Comment pensez-vous que le futur se présente pour moi les les générations à venir ?

Un avenir brillant pour les noirs ? J’espère, mais la Terre se meure on le sait (rires.), il faut laisser les Noirs au pouvoir et faire comme Chicago ou nous sommes mis en valeur et bien représentés. Mais sérieusement j’ai toujours été quelqu’un d’optimiste et pleine d’espoir donc je vois un avenir brillant.

Pour finir, BLACK SQUARE est un média français axé sur la créativité de la communauté Afro-Caribéenne. Quelle serait votre définition de créativité ?

La créativité pour moi va de paire avec la spiritualité, comme une force certaine qui existe tout autour. Il faut laisser de la place à la créativité dans notre esprit, une place qui est authentique, sans quoi nous ne pourrions nous sentir libre de créer.

Ma professeure nous disait toujours “There’s not such thing as writer’s block, you just not putting in the work” (le syndrome de la page blanche n’existe pas, vous ne vous donner juste pas a fond) ce qui veut dire que nous ne laissons pas de place à la créativité dans notre esprit. Il faut travailler comme si c’était un exercice et comme on dit, l’exercice nous rend meilleur.

Magnifique !

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Philippe Afane

Music Lover . Rap Junkiez . Cinema & TV Shows Enthusiast. BasketBall Fan

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