HAITI – MACH-HOMMY, LA MENACE FANTÔME

HAITI – MACH-HOMMY, LA MENACE FANTÔME

Le secret le mieux gardé du hip-hop, le prince des ténèbres, … On attribue de nombreux surnoms à ce spécimen bien particulier.
Celui sans qui Griselda records ne serait sûrement pas la supernova musicale qu’on connait. La garde rapprochée de Jay-Z.
Qui est Mach-Hommy ? Vu le peu d’information qu’on a sur lui, il vaut mieux faire la liste de ce qu’il n’est pas. Ceci n’est pas un portrait complet, je serais battu d’avance. C’est plutôt une porte d’entrée dans un univers qu’on découvre à peine.

Mach-Hommy n’est pas déraciné.

Il se rappelle avec nostalgie que son grand-père lui interdisait de parler Français sous son toit, le tenant en constante connexion avec ses racines. La vie en Haïti lui a aussi ouvert le champs des possibles. Il a expliqué à Billboards qu’il a été exposé à tous types de rythmiques pendant son enfance. Pas étonnant que ce soit lui qui fasse la loi en studio !

Mettre ses origines Haïtiennes en évidence fait aussi partie d’une envie de dépeindre l’état et l’histoire de l’Ile avec authenticité. Depuis son indépendance fièrement acquise jusqu’aux conflits et maux qui agitent le pays, il ne nous épargne rien. C’est particulièrement palpable dans son dernier album “Pray For Haiti”, truffé de références et produit par Westside Gun lui-même. Tu pensais que Burna Boy était engagé ? Attends d’écouter le morceau Kriminel.

Pour couronner le tout, 20% des bénéfices dégagés par cet album (merch compris) serviront à investir dans des cours avancés d’informatique destinés aux étudiants de Port-au-Prince.
Pas mal pour un ponte de l’underground !

Mach-Hommy n’est pas inaccessible

Peu d’informations à son sujet, un drapeau d’Haïti en guise de masque, des interviews et clips qu’on compte sur les doigts d’une main. On pourrait croire que le rappeur de Newark, New Jersey est un de ces rappeurs conscients donneurs de leçon aux rimes inutilement techniques. Il pense plutôt que son art doit être sans artifices, trop d’intention tue la vibe. “Je vais te parler de la Lune en te la pointant du doigt, pas en te la décrivant” confie-t-il en 2017 dans le podcast Tea & Converse.

Pour autant, il superpose son flow changeant sur des productions gorgées de références. Il peut kicker sec, étirer la cadence jusqu’à tanguer, puis revenir avec une ritournelle entêtante. Issa whole vibe, comme disent les américains.

Mach-Hommy n’est pas un livre ouvert

Tu l’auras compris, Mach-Hommy cultive le secret pour qu’on se concentre sur son oeuvre, ou plutôt ses oeuvres. Peintre, rappeur, beatmaker, videaste, il contrôle entièrement son univers. Un système riche en culture que seuls les intéressés sauront apprécier. Et pour cause, depuis 2019, le rappeur d’origine Haïtienne a fait retirer tout ses lyrics des sites spécialisés. Bon courage pour traduire “$payforhaiti” sur lequel il a attaque la prod de Kaytranada en kreyol ayisyen. Et bon courage pour le reste parce qu’il alterne fréquemment entre anglais et espagnol.

Il justifie ses feintes linguistiques en rappelant les affres de la colonisation et de l’esclavage. Lorsque Haïti était sous la férule Française, la lange de Molière a été imposée à tous avec interdiction de parler créole publiquement. Pour faire perdurer leur culture, les habitants usaient de code pour communiquer sans se faire repérer. Mach-Hommy réinvestit ce fait culturel, cette codification. Une façon pour lui de rappeler aux personnes racisées que nous faisons “semblant” depuis le début.

Mach-Hommy n’est pas intéressé par la quantité mais par la qualité.

Même s’il aime à rappeler qu’il est principalement à la recherche du bag [la moula], il ne veut pas le sécuriser n’importe comment. Mach-Hommy est connu pour ses projets confidentiels. La plupart est d’ailleurs introuvable sur les plateformes de streaming. Les fans doivent donc y mettre du leur pour dénicher ces pépites réalisées avec des artistes aussi prestigieux que Roc Marciano, DJ Muggs ou encore Earl Sweatshirt et KNXWLEDGE pour ne citer qu’eux.
Depuis presque 2004, le rappeur se livre à un véritable jeu de piste verbal et artistique et sa fanbase le lui rend bien.

Pour exemple, en 2017, il écoula 200 copies physiques de son album HBO (Haitian Body Odor) à -tenez-vous bien – 300$ l’unité. Sacré pied de nez à l’industrie de la musique !

Il réitérera l’exploit la même année avec le projet The G.A.T qui s’est vendu à 1000$ le vinyle. Rare donc onéreux, ça ne vous rappelle pas le mécanisme d’un certain marché de l’art ?
Cette prouesse fait d’ailleurs de lui le 3e rappeur a avoir vendu ses projets le plus cher. Le podium étant complété par le Wu-Tang et Nipsey Hussle.
Sans oublier qu’en restant en indépendant, Mac-Hommy peut contrôler l’évolution de son succès et les retombées financières qui vont avec.

Il reste encore beaucoup à découvrir sur Mach-Hommy, mais pour l’heure, je vous laisse vous plonger ses deux dernier projets disponibles librement. Savoure-les ou sinon comme on dit en Haïti, “Wap konn Joj !”

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Samuel Batcho

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